11 Septembre 2017
(Photo G.V. - Concert I Muvrini à Calvi Août 2017)
Au fond du self transformé pour l'occasion en salle de conférence, une main se lève. Et une voix de jeune fille se fait entendre. "J'ai été très touchée par ce que vous avez dit, au point de pleurer. Car c'est ce que je vis tous les jours". Ces paroles sont celles d'une élève handicapée physique. "Les gens me regardent de travers parce que je suis handicapée. J'ai peur de sortir de chez moi" avoue-t-elle après avoir raconté à son tour les violences verbales qu'elle subissait, au collège ou dans la rue.
Cette confidence vient conclure une matinée de rentrée un peu particulière pour les élèves de 4ème et 3ème du collège Marcel Pagnol de Valence. Ce jour-là, ils accueillent Jean-François Bernardini, qui vient leur parler de non-violence, sur le thème "La non-violence, ça s'apprend". "La violence est un virus, mais la non-violence est une bactérie, et elle est contagieuse. Je ne viens pas vous faire une leçon ce matin. Je suis un petit chercheur. Nous sommes tous des petits chercheurs". D'entrée, les mots simples et le ton calme, humble, accessible de l'homme captent l'attention des élèves. "Ce matin, nous allons faire la rentrée tous ensemble. On vient au collège apprendre l'envie. Et dans l'envie, il y a vie".
Il se présente auprès d'eux comme chanteur. Il est surtout connu comme le leader du groupe corse I Muvrini. Mais aujourd'hui, il est là en tant que président de l'AFC Umani qu'il a créé en 2002, et qui depuis 2011, propose un programme relatif à la non-violence, comprenant des conférences tout publics et des interventions en milieu scolaire, des expositions mais aussi des cycles de formation pour adultes. Très impliqué dans sa fondation, entre deux dates de concerts et deux albums de I Muvrini, Jean-François Bernardini ne ménage pas son énergie et tel un pèlerin, part à la rencontre des jeunes et des adultes, pour dit-il "semer la non-violence". Cette non-violence, ce respect de l'autre, de l'Humain et de la Terre nourricière, ce vivre-ensemble, qu'il chante si souvent sur scène. Et ce matin-là, il annonce d'ailleurs qu'il s'agit de sa 350ème conférence bénévole et qu'avec les élèves du collège Marcel Pagnol, le cap des 30 000 personnes initiées, sensibilisées ou formées à la non-violence par l'intermédiaire de la fondation Umani vient d'être franchi.
(Photos G.V. - JF Bernardini au Collège Marcel Pagnol de Valence)
Retour dans le self du collège Marcel Pagnol. "Il faut commencer par reconnaitre que nous avons tous de la violence en nous. Tout le monde peut-être capable de violences. Et avec des mots, on peut détruire, mais on peut aussi soigner. Et c'est cela qui est merveilleux" poursuit Jean-François Bernardini. "Notre cerveau est un merveilleux ordinateur, le plus puissant de la planète. Cet ordinateur, il nous appartient de le programmer". Et d'évoquer les virus, et plus particulièrement celui de la violence. "Voilà un drôle de virus qui circule aujourd'hui! Celui qui consiste à dire ou à croire qu'il n'y a que la violence pour te faire respecter. Si vous faites entrer ce virus-là dans votre ordinateur, ne vous étonnez pas que vous soyez très malheureux. Car avec tout cela, nous fabriquons un monde de crocodiles. On se colle des étiquettes, on se fait peur" ajoute-il en se posant sur le front le mot "raciste". Entre autres...
Il se veut percutant. Mais aussi optimiste. "Votre ordinateur, c'est vous seul qui le programmez, n'oubliez jamais". Il leur parle jeux vidéos et télévisions, rappelle que la violence, "c'est le journal de 20 heures mais c'est aussi comment tu me parles dans la cour du collège". Il évoque Gandhi, Rosa Parks, et cette non-violence "qui ne fait pas beaucoup de bruit" et "dont on ne parle jamais" mais qui a accompli tant de belles choses. "Il faut semer la non-violence" conclut-il, invitant les élèves à être plus "girafes" que "chacals", en référence aux travaux de l'Américain Marshall Rosenberg sur la Communication Non-Violence (CNV). Ce chacal qui exige, critique, hurle, créant un rapport de force avec l'autre. Cette girafe qui écoute et observe sans juger, exprime des sentiments sans en rendre l'autre responsable. Le langage du coeur tout simplement (La girafe est le mammifère terrestre ayant le plus gros coeur).
Et des girafes ce matin-là, Jean-François Bernardini en a croisé beaucoup. Car à l'issue de la prise de parole de leur camarade handicapée, les 250 élèves présents se sont mis debout et se sont spontanément tournés vers elle pour l'applaudir. "Ce ne sont pas mes mots qui vont te répondre" conclut le président de Umani en s'adressant à la jeune fille, "Ce sont tous les coeurs de girafes qui se sont levés pour toi. Et quand les coeurs parlent, c'est extraordinaire".
G.V.
Mille mercis à Jean-François Bernardini, à l'AFC Umani, et au collège Marcel Pagnol de Valence de m'avoir permis d'assister à la conférence et de vivre à leurs côtés ce beau moment d'échanges et de réflexion.
La non-violence se fonde sur la prise de conscience de la réalité des multiples violences qui existent dans la société et sur la volonté de transformer cette réalité dans la mesure du possible. (...) En définitive, c'est la violence qui est une utopie. Certes, la violence existe partout, mais jamais, en aucun lieu, elle n'atteint la fin qui prétend la justifier. Jamais nulle part, elle ne réalise la justice entre les hommes. Jamais, en aucun lieu, la violence n'apporte une solution humaine aux inévitables conflits humains qui constituent la trame de l'histoire.
Au-delà des chimères et des illusions de l'optimisme, des résignations et des démissions du pessimisme, la non-violence entretient l'espérance fragile que l'homme peut faire croître, en lui et chez les autres, la vertu d'humanité. Cela donne sens à son existence et à son histoire. A sa vie. A sa mort même.
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Pour en savoir plus :
- Sur la fondation Umani > www.afcumani.org
Depuis 2002, année de sa création, la Fondation Umani, plutôt confidentielle au départ, a su acquérir une vraie reconnaissance. Sa notoriété a largement traversé la Méditerranée. Conventionnée par l'Education Nationale, "L'associu pè una fundazione di Corsica" (Association pour une Fondation de Corse) compte ainsi quelques 4000 adhérents et donateurs sur l'Ile, mais aussi sur le continent, en Allemagne, en Belgique, en Suisse, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, et jusqu'au Canada et aux Etats-Unis.
- Sur le groupe I Muvrini > www.muvrini.com
Le nouvel album d'I Muvrini, baptisé "Luciole", sortira le 22 septembre 2017.
Jean-François Bernardini, chanteur du groupe corse "I Muvrini"
Jean-François Bernardini, chanteur du groupe corse "I Muvrini" en replay sur France Bleu Drôme-Ardèche. Retrouvez les émissions en réécoute gratuite et les podcasts !
Entre les deux interventions au collège Marcel Pagnol, Jean-François Bernardini a été l'invité de France-Bleu Drôme Ardèche. Retrouvez son interview, ainsi que celle du principal-adjoint de l'établissement valentinois, où ils évoquent ensemble ce travail sur la non-violence. Jean-François Bernardini était déjà venu rencontrer l'équipe encadrante du collège au printemps dernier.
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